À voir cette semaine...
Encore deux nouveaux messages (les derniers!!!) et quelques nouvelles photos. C'est la fin du voyage!! Et en passant... BONNE ANNÉE!!!
Encore deux nouveaux messages (les derniers!!!) et quelques nouvelles photos. C'est la fin du voyage!! Et en passant... BONNE ANNÉE!!!
Après notre bref passage au Lac Atitlán, cinq autobus différents nous ont ramené au Chiapas en une douzaine d'heures de route. Terre riche de café et de chocolat, de rébellions zapatistes et de revendications sociales: il reste beaucoup à faire dans cet état qui, culturellement parlant, se rattache plus à son voisin du sud qu'au Mexique même...
À San Cristóbal de las Casas, une ville agréable et colorée aux toits en tuiles d'argile, nous tombons brusquement du petit nuage de chaleur sur lequel nous flottons depuis des mois: ici, il gèle la nuit! Mon polar, le seul vêtement chaud que je traîne, suffit à peine à me protéger du froid lorsque nous sortons le soir. Je fais bien piètre figure à côté des Mexicaines qui elles, ne sont qu'en sandales et en jupe...
À toute heure du jour et de la nuit, les rues du centre sont toujours propices à une promenade, maintes fois interrompue par les vendeuses de ceintures et de châles qui viennent nous proposer les produits de l'artisanat local. Ici, les indigènes constituent la majorité de la population, contrairement aux autres états mexicains, où les métis sont les plus nombreux. Ils parlent tzotzil ou tzeltal et l'espagnol comme langue seconde; se promènent en arborant leur costume traditionnel et portant leur petit dernier dans le dos... les yeux en amande, le teint basané et les joues brûlées, ils rappellent les Tibétains. Mais la réalité est loin d'être aussi poétique. À San Cristóbal, "deux mondes se regardent passer"*. Celui des indigènes qui gagnent leur vie comme ils peuvent en vendant leurs babioles aux étrangers, et celui des touristes qui magasinent leurs souvenirs en marchandant trop serré. Oli et moi ne faisons pourtant pas exception, nous négocions nos achats à cinq pesos près, déchirés entre notre compassion pour ceux qui en ont plus besoin que nous et notre désir de payer le juste prix. Deux mondes qui n'entrent en contact que superficiellement malgré l'intérêt qu'ils auraient à se rapprocher, s'écouter et se comprendre...
Notre visite à San Juan Chamulá, à quelques kilomètres, confirme cette impression. La raison pour laquelle ce centre politico-religieux figure dans les guides de voyage est son église, ou plutôt ce qu'il y a à l'intérieur... À notre entrée s'offre à nous une vision irréelle, témoin de la foi vibrante et presque contagieuse des villageois accroupis sur le sol tapissé d'aiguillles de pin. Des centaines et des centaines de bougies, collées à même le sol à l'aide d'une goutte de cire chaude, et des dizaines de saints catholiques alignés le long des murs, devant lesquels brûlent tout autant de lampions, font déjà forte impression sur le visiteur. L'autel principal, dédié à Saint Jean Baptiste, croule en cette période sous les guirlandes, lumières et autres décorations tout sauf traditionnelles. Mais, ce qui produit en nous cet état enchanté, voire hypnotisé, c'est la dévotion avec laquelle les villageois communiquent avec leur monde spirituel. Les hommes chantent en tzotzil des litanies monotones qui se font écho entre elles et attisent encore davantage notre curiosité. Que se passe-t-il pendant ces prières qui se mêlent à l'odeur de l'encens et à la lueur des chandelles?
Le tableau est magnifique, unique, solennel, empreint d'authenticité. Les flammes dansent, l'église s'enfume, les gens se prosternent, les touristes entrent et sortent. La théorie des deux mondes est encore plus évidente ici qu'ailleurs. Étrangers et locaux se croisent, se frôlent, sans un regard, sans une parole. La rencontre de l'Humanité avec elle-même est un chapitre de l'histoire qui n'a pas encore été écrit...
Trêve de philosopheries: c'est à San Cristóbal que nous passons en 2008, une heure après le Québec! Nous soulignons l'occasion en compagnie de Rudy, un artisan-voyageur que j'ai connu au Honduras en juillet et sur lequel nous sommes tombés par hasard au marché d'artisanat. Avec lui et d'autres joyeux fêtards, l'Uruguay, la France, l'Allemagne, Israël, la Hollande, le Mexique, le Chili (et, bien sûr, le Québec!) sont réunis pour célébrer ensemble la nouvelle année qui commence.
Hélas, janvier signifie également la fin de notre périple en sol mexicain. Après avoir allumé, par superstition, une chandelle au pied de Saint Christophe, le patron des voyageurs qui a donné son nom à la ville, nous quittons le Chiapas l'esprit tranquille: nos prochaines aventures se feront sous son aile...
*Africa Trek 2, par Sonia et Alexandre Poussin.
Le lac Atitlán, merveille de dame nature et sans contredit l'un des plus grands trésors du Guatemala. Un voyage en Amérique centrale ne peut être vraiment complet sans y avoir séjourné quelques temps. Se réveiller le matin et regarder par la fenêtre pour découvrir un panorama d'une beauté impossible à capturer sur photo de façon fidèle, une eau d'un profond turquoise ceinturée de montagnes boisées et de petits villages épars, ça n'a pas de prix. En fait, ça en a un : 2,50$ par personne, par nuit, pour une petite chambre avec salle de bain privée et vue sur le lac. Trouvez-moi une seule raison de s'en passer!
En bordure du lac émergent trois majestueux volcans, dont le San Pedro, cône parfait au pied duquel se trouve le village du même nom, celui où nous restons. L'ambiance y est tellement relâchée, détendue, nonchalante; on s'y sent tous un peu hippie! Et il y en a d'ailleurs beaucoup, des hippies. De part et d'autre de la rue principale, des artisans vagabonds venus des quatre coins du globe étalent sur de petites tables les fruits de leur savoir-faire. Ils resteront ici quelques jours, quelques semaines, puis repartiront vers un autre endroit où abondent leurs clients, c'est-à-dire les touristes. Ainsi, avec le peu que leur rapporte la vente d'un collier de temps à autre, ils parcourent le monde et rencontrent des centaines de gens. Pas d'hypothèque, de responsabilités ni de comptes à rendre. Vivre au jour le jour. Carpe diem. Ça a ses avantages et ses inconvénients, mais Vicki et moi nous surprenons souvent à rêvasser de ce à quoi ressemblerait notre vie si jamais nous osions tout abandonner pour partir là où le vent voudrait bien nous emmener...
Pour apprécier à sa juste valeur ce qu'Atitlán a de plus beau à offrir - d'époustouflants paysages de nature vierge - et pour mieux adopter le rythme ralenti, le calme, la paix qu'il impose, rien n'égale une ballade en kayak sous les réconfortants rayons du soleil. Pour seulement quatre dollars, nous pagayons trois heures durant, en nous arrêtant sur une petite plage de sable noir où quelques "locaux" s'adonnent à un barbecue en famille. Seuls les plus courageux osent se baigner, mais même en Québécois endurcis que nous sommes, nous préférons passer notre tour.
Le reste du temps, nous flânons d'un kiosque d'artisanat à l'autre, ou alors nous entrons grignoter quelque chose dans l'un des nombreux restaurants internationaux qu'ont ouvert les Italiens, Mexicains et autres Israéliens qui, sous le charme incontestable du lac, ont décidé de s'installer à San Pedro. Ces expatriés semblent d'ailleurs en plus grand nombre que les Guatémaltèques, jusqu'à ce qu'on s'éloigne de la rue qui longe le lac. À quelques cuadras seulement, l'ambiance change du tout au tout : aucun touriste, pas de vendeurs de tours organisés ni de cafés décorés à la mode. Un autre San Pedro. Le premier, au bord de l'eau, ne vit que par le tourisme alors que le second, à cinq petites minutes de marche, s'en passe très bien. Par choix? Peut-être, mais j'ai plutôt l'impression que c'est le tourisme qui a choisi de délaisser cette partie du village qui n'a pas vue sur le lac...
24 décembre, notre troisième journée au Guatemala. Notre intérêt pour les sites mayas ayant atteint son point de saturation, nous avons besoin d'un peu de tranquillité et, surtout, de changement. Nous planifions donc de passer notre premier Noël ensemble au lac Atitlán, un des bijoux du Guatemala, où nous espérons trouver un peu de paix et de repos pour nous remettre de nos déplacements continuels des dernières semaines. Mais le Père Noël en a décidé autrement...
C'est donc en rêvant d'Atitlán que nous quittons la jungle du nord en direction de Guatemala City. Après sept heures de route tape-cul et un mauvais film hollywoodien, nous apprenons que le véhicule dans lequel nous sommes ne va pas à la capitale! Le chauffeur nous rend nos sacs à dos et 50 quetzales, soit le quart de ce que nous avions payé, et nous abandonne, penauds, sur le bord de la route à Río Hondo. Pas moyen de savoir si nous avons été victimes d'une magouille ou s'il y a réellement eu une erreur. Dans l'espoir (vain) d'attraper un bus pour la capitale, nous échouons finalement dans la ville voisine, Teculután, où nous passons notre veille de Noël. Un bled tout ce qu'il y a de plus ordinaire et inintéressant; nous n'avons d'ailleurs aucune idée où nous sommes, géographiquement parlant. À l'hôtel, un petit sapin illuminé, l'air ridicule, nous souhaite la bienvenue avec ses chansons de Noël. Nous sommes les seuls clients! Et pour notre réveillon, quoi de mieux qu'un souper dans le seul resto ouvert du coin: un petit comedor modeste et presque vide où un juke box à plein volume crache des chansons toutes plus quétaines les unes que les autres. Et pourtant, nous sommes comblés et satisfaits. Entre une bouchée de poulet rôti et une gorgée de Gallo, la bière nationale, Oli me glisse à l'oreille: "L'important, ce n'est pas où on passe Noël, mais avec qui..."
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25 décembre. Les bus qui étaient inexistants hier sont légion ce matin, et nous pouvons enfin quitter notre trou! Lorsque nous arrivons à Guatemala City, quelque trois heures plus tard, un chauffeur s'offre pour nous conduire à l'endroit d'où partent les autobus pour le lac Atitlán, à "une vingtaine de minutes" de taxi. Un gros QUATRE MINUTES plus tard, nous sommes arrivés, le chauffeur nous réclame ses 30 quetzales (environ 4$ - des peanuts à Montréal mais DU VOL ICI!!!). Tout ça pour constater que la compagnie est fermée, jour férié oblige. Comme dirait mon père: ça va mal à shop... Nous voilà donc contraints de passer le jour de Noël à Guatemala City. À l'image des autres capitales d'Amérique centrale, "Guate" arbore quelques monuments à la jolie architecture coloniale et est quadrillée de rues étonnamment propres... et d'autres exaspérément sales! Un contraste qui, en tous cas, doit être plus animé en temps normal. Et aujourd'hui, évidemment, il faut que nous atterrissions dans un de ces quartiers pas fameux qui donnent froid dans le dos dès la tombée de la nuit. L'employé de l'hôtel nous accueille mollement, encore soûl de la veille, dans son établissement où cerveza s'écrit avec un s et vende avec un b... (inside joke!!)
Une fois nos sacs déposés, nous partons à la découverte de la ville, dont l'attrayante plaza principale regorge de citadins en habits traditionnels, et les trottoirs, de vendeurs de bric-à-brac. Notre exploration débute et prend fin dans une succursale de Pollo Campero, un genre de PFK latino, où notre waitress en pleine laryngite nous sert dîner et souper en nous appelant ses amours. Au moment d'aller au lit, alors que mon amoureux est absorbé par Le Seigneur des Anneaux qui passe à la télé, je me mets à redouter ce qui nous attend demain... Allons-nous finir par atteindre l'objectif pour lequel nous peinons depuis deux jours?
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26 décembre. Le terminal d'autobus est ouvert, la compagnie a repris ses opérations. Notre vieux chicken bus est plus que bondé - il faut savoir qu'au Guatemala, la norme est de trois passagers par banc, ce qui s'étire le plus souvent à cinq ou six, parents et enfants pêle-mêle. Et y'a pas de rabais pour ceux qui ont une fesse dans le vide...
Mais donc, ce fameux chicken bus bondé, il finit par nous mener à destination. Atitlán, joyau d'eau couleur de plomb dans un écrin de montagnes et de volcans. Il est d'autant plus beau que nous avons mis du temps à y parvenir.
Le Guatemala nous donne deux leçons. Nous devons apprendre à apprécier le chemin tout autant que la destination. Et Noël, après tout, n'est qu'une journée comme les autres.
Frontera Corozal, au bord de la rivière Usumacinta, frontière naturelle avec le Guatemala. Nous n'avons presque plus d'argent sur nous, il n'y a pas de banque dans le village, ni dans celui où nous voulons aller. La plus près se trouve à Palenque, là où nous nous trouvions il y a quelques jours. Que faire? Retourner sur nos pas et gaspiller temps et argent? Ça ne nous enchante guère, mais c'est probablement la solution la plus simple.
Bien sûr, on a aussi pensé à l'alternative un peu farfelue de traverser au Guatemala pour atteindre un guichet sans rebrousser chemin. Non, mais quand même! Changer de pays juste pour retirer de l'argent!
Mais... et si... si on ne traversait pas que pour le guichet? Si on y passait quelques jours? Si on visitait le site maya de Tikal et le lac Atitlán?
Waouh! On s'en va au Guatemala!
Dès les premières heures du jour, nous sautons dans une lancha qui nous fait traverser l'Usumacinta en moins de deux, puis attrapons un chicken bus - un vieux Bluebird américain reconverti en autobus public et décoré avec originalité - pour nous rendre à Santa Elena, pas tellement loin de Tikal. Nous profitons du reste de la journée pour visiter la ville voisine de Flores, qui occupe en entier une petite île au milieu d'un lac qui semble de plomb à la tombée du jour.
Le lendemain, nous attaquons Tikal. En essayant de ne pas trop penser au prix d'entrée, qui a triplé il n'y a pas plus d'un mois, nous parcourons en près de neuf heures plusieurs kilomètres de sentiers parmi des restes de temples majestueux qui constituèrent à une autre époque l'une des plus importantes cités mayas de l'histoire. Comme à Palenque et Yaxchilán, nous nous trouvons entourés d'une jungle dense et millénaire dont certains des arbres ont connu les Mayas qui y vivaient jadis. Et encore une fois, les singes nous laissent observer leur quotidien comme dans un documentaire. Cette fois, ce sont des singes araignée qui nous font la démonstration de leurs prouesses en sautant de branche en branche, d'arbre en arbre, en enchaînant des acrobaties époustouflantes.
Même si nous en sommes à notre cinquième site archéologique maya en deux semaines, nous nous pâmons encore et encore devant le génie apparent à l'origine de ces monuments construits sans l'aide de la roue, ni d'outils métalliques, ni d'animaux de trait. Quand on songe que les connaissances des Mayas devaient être transmises à l'oral entre les générations, sans livre ni université, notre stade olympique fait bien piètre figure à côté de ces exploits architecturaux!
Une fois Tikal derrière nous, nous sommes prêts à partir pour le pittoresque lac Atitlán, en projetant d'y passer un agréable réveillon et un Noël à naviguer ses eaux en kayak (question de mieux oublier qu'en temps normal, nous passerions les Fêtes ensevelis sous la neige!).
Mais tout ça, ça reste un projet...
Après Ek-Balam la discrète, Chichén Itza l'imposante et Palenque la romantique, nous visitons aujourd'hui l'enchanteresse Yaxchilán. Comme le site n'est accessible que par voie fluviale, nous sommes contraints de négocier, avec un autre Québécois et cinq Mexicains, un prix raisonnable pour emprunter une pirogue à moteur, qu'ils appellent ici lancha. Le trajet de près d'une heure sur la rivière Usumacinta nous enfonce d'une vingtaine de kilomètres au creux de la jungle encore endormie, qui nous révèle au détour d'un gigantesque ceiba un premier monument. Chaque pierre a été, au fil des siècles, élégamment recouverte d'une mousse verte et velue qui confère à l'endroit un charme irrésistible. Avec nos compagnons, nous pénétrons dans un espace exigu et obscur qui s'avère finalement être un couloir doté d'escaliers et de coins à angle droit. Un coup d'oeil avec une lampe de poche nous révèle un insecte qui nous était encore inconnu: imaginez-vous une créature hybride, mi-araignée, mi-scorpion, qui mesure plus de dix centimètres (et que l'on préfère bien sage et immobile sur la paroi que sur soi). Nous apercevons également, suspendues par les pattes aux pierres du plafond, de minuscules et adorables chauve-souris qui nous fixent de leurs petits yeux en émettant des couinements plutôt mignons. Après nous être extasiés sur l'apparent nanisme de ces bêtes volantes, nous poursuivons notre parcours et le couloir finit par déboucher sur la grande place. Tadam! Yaxchilán est là, sous nos yeux, déserte, paisible, comme tout droit sortie du rêve embrumé d'un archéologue en manque de découvertes. Nous prenons le temps de nous imprégner de l'atmosphère mystérieuse qui se dégage des ruines, en constatant que la nature a repris ses droits sur cette belle cité; elle nous rappelle qu'elle a, par le passé, toujours triomphé sur l'ambition humaine...
Après avoir apprécié les structures éparpillées autour de la plaza principale, Oli et moi empruntons un petit chemin dans la jungle, constitué d'un formidable enchevêtrement de racines et de pierres qui devait avoir exactement la même apparence à l'époque où le site était habité. Mon amoureux chemine devant moi tel un ranger dans la brousse, attentif aux moindres indices de la selva, dans l'espoir d'apercevoir un quelconque animal sauvage. Et la chance nous sourit: un paquet de feuilles qui tombent simultanément est un signe qui ne trompe pas, des singes trahissent leur présence juste au-dessus de nos têtes. Ai-je bien dit... DES SINGES??!! Eh oui! Et ceux parmi vous qui connaissent ma fascination pour les primates peuvent certainement deviner l'excitation qui s'empare de moi. Il s'agit des fameux singes hurleurs dont nous avons fait la connaissance à Palenque; par contre, et heureusement pour nos tympans, ils ont mis leurs cordes vocales à off, trop occupés qu'ils sont à fourrager dans la cîme des arbres. (En fait, nous apprendrons plus tard que seuls les individus mâles émettent des hurlements, les femelles se contentant de grogner à la manière des cochons; nos singes sont donc sûrement des femelles). Nous distinguons parfaitement leur pelage foncé aux reflets roux, leur petit museau, leurs pattes agiles qui agrippent le feuillage vert, leur queue qui leur permet de se pendre, tête en bas, à la recherche d'une autre branche assez solide pour les supporter. Nous restons là un bon moment à suivre leur progression d'arbre en arbre. Une rencontre spontanée avec l'histoire de notre évolution...
Quelques moments plus tard, le lanchero nous attend dans son embarcation pour nous ramener à bon port. Entre la vue d'un crocodile qui se fait dorer la couenne au soleil et de deux petits cerfs qui détalent, effrayés par le vacarme de notre moteur, nous nous surprenons à contempler, rêveurs, l'autre rive de l'Usumacinta: le Guatemala...
Comme Esteban, accompagné de ma Zia à moi, je peux enfin fouler le sol et gravir les marches des temples mayas de la mythique cité de Palenque. Depuis des années, je rêve d'y mettre les pieds; au cours des derniers mois, j'ai eu bon espoir d'y aller et maintenant... j'y suis! Qu'y a-t-il de plus satisfaisant que l'accomplissement d'un rêve? Rien, à mon avis, qui puisse justifier qu'on les oublie.
Au petit matin, nous marchons les deux kilomètres qui séparent notre camping de l'entrée du site, après une nuit à peine troublée par les cris saisissants des singes hurleurs. Ces étonnants primates poussent, malgré leur petite taille, des hurlements, voire des rugissements, qui pourraient être comparés à un mélange de cris d'ours, de vache, d'âne et de lion. Ou mieux, imaginez-vous King Kong qui vient de se cogner le petit orteil sur une patte de table. Et ça s'entend à plus de cinq kilomètres à la ronde!
Dès qu'on passe le tourniquet, je sais que je me trouve dans un endroit hors du commun. Un sentier traverse un petit bout de dense selva et mène rapidement à la plaza principale, autour de laquelle se trouvent les plus imposantes structures du site. Parmi celles-ci s'élève un monument d'une inestimable valeur historique et anthropologique: le Temple des Inscriptions. On y a retrouvé quelque 620 hiéroglyphes mayas gravés dans la pierre. À eux seuls, ces petits dessins à première vue un peu abstraits racontent l'histoire tout entière de la cité, la succession de ses rois, ses victoires de guerre, la visite de dignitaires mayas. Tout un livre d'histoire contenu dans 620 minuscules figures semblables! Vicki, qui étudie pourtant en anthropologie, en est sidérée. Mais le temple n'est pas l'un des plus célèbres d'Amérique que pour ses glyphes; la tombe du roi Pakal, sans doute le plus puissant et influent qui ait régné sur la cité, se trouve tout juste en-dessous de la pyramide. L'archéologue mexicain à qui l'on doit la découverte de l'imposant tombeau devait être drôlement fier de ses trouvailles, puisqu'il a été enterré en face du temple.
Le site regorge d'autres monuments dont les murs auraient tant à raconter s'ils pouvaient parler. El Palacio, El Acrópolis et les quelques dizaines d'autres structures accessibles au public ne représentent par contre que 5% de Palenque. Le reste gît toujours sous la terre, la mousse et les arbres. Ici, c'est la jungle qui mène! Je me plaîs à m'imaginer les Mayas qui y vivaient en harmonie avec la nature, vénérant ses créatures et ses phénomènes.
Nous passons près de six heures à parcourir un par un tous les temples du site, à observer les singes dans les arbres, à nous imprégner de l'indescriptible atmosphère qui enveloppe Palenque. J'y serais volontiers resté des jours, j'y aurais piqué ma tente, juste pour ressentir un peu plus la magie, comprendre davantage le mystère qui exulte de chaque pierre déposée ici des centaines d'années auparavant. J'avais d'énormes attentes en entrant à Palenque, une grande satisfaction et aucun regret en la quittant.
Nous qui nous croyions en manque de plage et de bronzage, nous ne passons que trois petites journées sur la côte. Comme quoi le bonheur n'est pas toujours là où on croit qu'il se trouve...
Nous faisons d'abord escale à Playa del Carmen, où le nombre de touristes n'a d'égal que la quantité de boutiques, restos et hôtels à la mode qui leur sont exclusivement destinés. Mais qu'est-ce qui nous est passé par la tête en décidant d'aller nous foutre dans cette ville-resort qui n'existe que pour et par le tourisme? Il est vrai que nous sommes à la recherche d'un endroit où Vicki pourrait passer sa certification de plongée sous-marine, mais l'idée de rester dans cette ville pour les trois ou quatre jours que dure le cours ne me plaît guère, d'autant plus que le seul endroit abordable que nous ayons trouvé pour dormir est un camping appelé Las Ruinas - avec raison car il est effectivement en ruines - où nous devons piquer la tente parmi les guêpes et les fourmis. Comme si ça ne suffisait pas, il pleut et le ciel est gris à perte de vue, ce qui rend la plage considérablement moins invitante. Nous ne nous attardons pas et partons sans attendre pour Tulum.
Comparativement à Playa del Carmen, moins de touristes passent par Tulum, et ceux qui s'y trouvent sont pour la plupart des backpackers comme nous, ce qui confère à la ville une ambiance qui nous est beaucoup plus agréable. Le soleil décide de se montrer peu après notre arrivée. 2 à 0 pour Tulum. Nous élisons domicile dans une auberge de jeunesse géniale qui, chaque soir, laisse un BBQ à notre disposition. Tulum marque encore. Et la plage! Bordée de forêt et de sable blanc, la mer est d'un turquoise clair, parmi les plus belles qu'il m'ait été donné de voir. Victoire par blanchissage!
Nous pensions par contre que passer du temps à la plage était ce dont nous avions envie, mais après seulement deux jours, l'appel de la jungle et des sites mayas nous est irrésistible. C'est donc ici que nous faisons nos adieux à la mer des Caraïbes, et à toutes les autres mers du Mexique par la même occasion, puisque nous n'y retournerons sans doute pas durant ce voyage-ci. Au diable le bronzage, vous en serez moins jaloux! Nous sautons donc dans un bus de nuit. Direction: Palenque, dans l'état du Chiapas.
Chichén Itzá. The mother of all mayan sites. Assurément les ruines les plus courues de tout le Mexique. Celles, en tous cas, où le gouvernement a le plus investi dans la restauration, ce qui se reflète dans le prix d'admission. Mais aujourd'hui, au diable la dépense: Oli et moi allons respectivement découvrir et redécouvrir la splendeur passée de la civilisation maya à travers les ruines de Chichén Itzá.
À l'aide des informations disparates que nous tirons des panneaux explicatifs, de notre écoute indiscrète des guides qui arpentent le site, du spectacle son et lumière présenté en soirée et de notre Lonely Planet, nous parvenons à donner un autre sens aux pierres qui se dressent devant nous. Habité de l'an 600 à 1250, d'abord par les Itzas, puis par des conquérants toltèques venus du centre du pays, Chichén a été l'épicentre du pouvoir politique, économique, religieux et militaire dans la région, pouvoir qu'elle tirait principalement d'un strict contrôle des activités commerciales. Ses habitants étaient d'excellents astronomes, mathématiciens et architectes, et ont aussi traîné jusqu'à aujourd'hui leur sanglante réputation de guerriers sans scrupules. En fait, l'objectif des guerres qu'ils menaient n'était pas tellement politique, mais plutôt religieux! Les prisonniers qu'ils en tiraient étaient sacrifiés afin d'assurer la continuité du monde, suivant leur croyance selon laquelle, pour donner naissance à la terre, les dieux se seraient eux-mêmes sacrifiés. Le sang qui coule était donc un moyen de perpétuer la vie, l'enchaînement des jours et des saisons, la survie de l'univers.
Parcourir Chichén Itzá, c'est donner rendez-vous à l'histoire, à la culture, au temps, en se pâmant d'admiration devant ce qu'il reste d'une grande civilisation: des pyramides, des colonnes, des temples... et un immense terrain dédié au juego de pelota. Le jeu de ballon maya était semblable à notre soccer moderne, à la différence que les joueurs ne pouvaient utiliser que leurs hanches, leurs épaules et leur tête pour diriger le lourd ballon de caoutchouc dans l'anneau de pierre de l'équipe adverse. Le dénouement des parties était en revanche complètement différent de ce qu'on voit aujourd'hui à la Coupe du Monde: le capitaine de l'équipe perdante était sacrifié! (On a entendu d'autres versions selon lesquelles c'est le capitaine de l'équipe gagnante qui passait sous la hache, et qu'il s'agissait là de tout un honneur. Mais, d'une façon ou d'une autre, si vous voulez notre avis, il ne faisait pas bon d'être capitaine au temps des Mayas.) Le juego de pelota revêtait lui aussi un sens spécifique, symbole des forces opposées de l'univers et représentation de la victoire quotidienne du soleil sur la nuit.
Après moins de deux heures à flâner d'une structure à l'autre, les sifflements des gardiens nous indiquent que le site est sur le point de fermer. Déjà! Mais c'est le sacrifice qu'il faut faire pour ne pas être contraints à nager parmi les flots de touristes curieux qui débarquent quotidiennement à Chichén Itzá...